La Maison Emile Zola – le Musée Dreyfus
Dans cet article, je vous emmène à Médan, un joli petit village de l’ouest parisien (département des Yvelines), situé sur les bords de Seine, tout près du village de Bures, où j’habite.
Pourquoi Médan, me direz-vous ? mais parce que Médan mérite vraiment le détour si vous aimez les balades littéraires ! L’un de nos grands écrivains du 19 ème siècle, Emile Zola, y a installé sa résidence d’été en 1878 et y restera vingt-quatre ans jusqu’à sa mort survenue en 1902.
Emile Zola, le romancier
Comme Victor Hugo (1802-1885), son ainé, Emile Zola (1840-1902), se passionne pour le roman social, un genre littéraire qui évoque les conditions de vie et les difficultés des classes populaires et
paysannes.
Comme lui, par son engagement personnel dans les affaires publiques, il a marqué l’Histoire et apparaît comme un « défenseur du peuple ». Mais alors que l’œuvre de Victor Hugo
s’inscrit dans la continuité du mouvement romantique, apparu au 18 ème siècle, celle d’Emile Zola relève du naturalisme, un mouvement littéraire né au 19 ème siècle, dont il est le chef de file.
Le naturalisme se caractérise par la recherche de la réalité, il veut traiter le sujet social avec une objectivité quasi-scientifique, sans empathie. Ainsi dans son œuvre phare, « les Rougon-Macquart », composée de vingt romans publiés entre 1871 et 1893, Zola retrace l’histoire naturelle d’une famille sous le Second Empire, véritable étude sur cinq générations de l’influence du milieu sur l’homme. Et même si Victor Hugo reste sans doute plus connu qu’Emile Zola, au-delà de nos frontières, il n’en demeure pas moins que ce dernier est un écrivain incontournable du 19 ème siècle, à découvrir ou redécouvrir à l’occasion d’une balade à Médan.
Emile Zola et Médan
Dès ses premiers succès littéraires, Emile Zola aspire à posséder, loin de Paris et de toutes ses mondanités, un refuge, « un asile champêtre », où trouver, dans le calme de la campagne, la paix, le
réconfort, un rempart contre l’acharnement des critiques, un lieu idéal pour méditer et écrire.
C’est donc en 1878 qu’il achète, grâce aux droits d’auteur de son livre l’Assommoir, une maison à Médan, qu’il appelle, non sans humour, sa « cabane à lapins ». Avec le temps et le succès, la petite
maison d’origine va grandir : elle sera flanquée de deux tours, une tour carrée, dite la tour Nana, et une tour hexagonale, dite la tour Germinal.
Quant au jardinet, il va se métamorphoser en un vaste domaine de plusieurs hectares, comprenant à l’époque, une ferme, un potager et des serres. C’est ici que Zola peut s’adonner à la vie rurale dont il a toujours rêvé. C’est ici qu’il écrit bon nombre de ses chefs d’œuvre. C’est ici également qu’il organise de joyeuses réunions amicales, « les Soirées de Médan », en présence notamment de Guy de Maupassant, des frères Goncourt et de Huysmans. C’est enfin ici qu’il mène ses grands combats humanistes qui structurent son travail d’écrivain.La Maison Emile Zola
Visiter la Maison Emile Zola, c’est entrer dans l’intimité de l’écrivain, en déambulant dans des décors typiques du 19 ème siècle, conçus par lui-même, intacts ou soigneusement restitués. C’est aussi découvrir son goût du mélange qu’il puise dans toutes les cultures de la fin du 19 ème siècle et qui caractérise si bien son esprit cosmopolite.
Au rez-de-chaussée, la salle à manger avec ses murs imitation cuir de Cordoue, ses vitraux aux motifs moyenâgeux et son plafond fleurdelisé. Tout à côté, la cuisine entièrement tapissée de carreaux de Delft, où Alexandrine, la maîtresse de maison et épouse de Zola, préparait ses plats savoureux qui régalaient toute la maisonnée. Un peu plus loin, le salon-billard aux étonnants vitraux symbolistes et aux belles mosaïques où il aimait réunir ses amis. Au premier étage, la chambre de Zola ; au second, le cabinet de travail avec son imposante cheminée Renaissance, où, méthodique et fidèle à sa devise, « Nulla dies sine linea » (« Pas un jour sans une ligne »), Zola s’enferme chaque matin pour écrire. Pendant ces heures de labeur acharné, il ne tolère aucune présence à ses côtés, sauf celle de Pinpin, son loulou de Poméranie favori.
Zola et l’affaire Dreyfus
Les campagnes de haine antisémite, de plus en plus virulentes dans la France des années 1890, incitent Zola à s’engager en faveur des Juifs. C’est dans ce contexte que survient l’affaire Dreyfus, la célèbre histoire de l’officier d’origine alsacienne et de confession juive, qui deviendra une véritable affaire d’Etat. Victime d’une machination judiciaire en 1894, le capitaine Dreyfus sera condamné pour haute trahison. En 1895, il sera dégradé et déporté sur l’Ile du Diable en Guyane. Très rapidement, Zola est convaincu de l’innocence de Dreyfus. Il plaide sa cause afin de le sauver d’une condamnation inique. Ainsi, en 1898, il publie dans la presse son célèbre article, « J’accuse … ! », lettre ouverte au Président de la République, Félix Faure. Cet appel historique vaut à l’écrivain d’affronter la haine et l’injure de ses détracteurs. Mais son engagement courageux, son combat pour la justice et la tolérance, sa lutte contre les racismes et l’antisémitisme, au péril de sa liberté et de son honneur, ont gain de cause. En 1899, Alfred Dreyfus. Il est gracié et réhabilité civilement en 1906.
Le Musée Dreyfus
Afin de célébrer la mémoire et les destins entrecroisés de Zola et Dreyfus, la propriété de l’écrivain accueille depuis 2021, dans une de ses dépendances, le premier musée consacré à l’Affaire Dreyfus, « un musée vivant contre l’injustice et l’intolérance », selon les mots d’un de ses mécènes.
C’est un espace conçu avant tout comme un lieu de mémoire, pour se souvenir longtemps des leçons de l’Affaire Dreyfus, « pour la vigilance contre l’oubli, pour la mémoire contre l’ignorance, pour le savoir contre la récidive ».
Tout au long de la découverte de ce musée, qui présente de nombreux documents et médias peu connus et rarement vus (photographies, chansons, projections lumineuses, brochures, affiches, tracts …), le visiteur est amené à s’interroger sur les questions fondamentales liées aux droits des femmes et des hommes, à la justice, à la tolérance et à la laïcité.